Brutus I

Source : Herbert J. Storing, éd., The Complete Anti-Federalist (Chicago : The University of Chicago Press, 1981), 2:363-372.

Aux citoyens de l’État de New-York.

Lorsque le public est appelé à enquêter et à se prononcer sur une question qui non seulement intéresse profondément les membres actuels de la communauté, mais sur laquelle le bonheur et la misère des générations à naître sont en grande partie suspendus, l’esprit bienveillant ne peut s’empêcher de se sentir particulièrement intéressé par le résultat.

Dans cette situation, je fais confiance aux faibles efforts d’un individu, pour conduire l’esprit des gens à une détermination sage et prudente, ne peut manquer d’être acceptable pour la partie franche et impartiale de la communauté. Encouragé par cette considération, j’ai été amené à offrir mes réflexions sur l’importante crise actuelle de nos affaires publiques.

Peut-être que ce pays n’a jamais connu une période aussi critique dans leurs préoccupations politiques. Nous avons ressenti la faiblesse des liens qui unissent ces États-Unis et le manque d’énergie dans notre confédération actuelle pour gérer, dans certains cas, nos préoccupations générales. Divers expédients ont été proposés pour remédier à ces maux, mais aucun n’a abouti. Enfin une Convention des États a été assemblée, ils ont formé une constitution qui sera maintenant, probablement, soumise au peuple à ratifier ou à rejeter, qui sont la fontaine de tout pouvoir, à qui seul il appartient de droit de faire ou de défaire des constitutions, ou des formes de gouvernement, à leur guise. La question la plus importante qui ait jamais été proposée à votre décision, ou à la décision de n’importe quel peuple sous les cieux, est devant vous, et vous devez en décider par des hommes de votre propre élection, choisis spécialement à cette fin. Si la constitution, offerte à, est une constitution sage, conçue pour préserver les précieuses bénédictions de la liberté, pour garantir les droits inestimables de l’humanité et promouvoir le bonheur humain, alors, si vous l’acceptez, vous jetterez une base durable de bonheur pour des millions de personnes encore à naître; les générations à venir se lèveront et vous appelleront bienheureux. Vous pouvez vous réjouir de la perspective de voir ce vaste continent étendu se remplir d’hommes libres, qui affirmeront la dignité de la nature humaine. Vous pouvez vous consoler avec l’idée que la société, dans ce pays privilégié, progressera rapidement jusqu’au point culminant de la perfection; l’esprit humain se développera en connaissance et en vertu, et l’âge d’or sera, dans une certaine mesure, réalisé. Mais si, au contraire, cette forme de gouvernement contient des principes qui conduiront à la subversion de la liberté — si elle tend à établir un despotisme ou, pire encore, une aristocratie tyrannique; ensuite, si vous l’adoptez, ce seul asile de liberté restant sera levé et la postérité exécutera votre mémoire. . . .

Avec ces quelques remarques liminaires, je vais procéder à un examen de cette constitution:

La première question qui se pose à ce sujet est de savoir si un gouvernement confédéré est le meilleur pour les États-Unis ou non? Ou en d’autres termes, si les treize États-Unis devraient être réduits à une grande république, gouvernée par une législature, et sous la direction d’un exécutif et d’un judiciaire; ou s’ils devraient continuer treize républiques confédérées, sous la direction et le contrôle d’un chef fédéral suprême pour certains buts nationaux définis seulement?

Cette enquête est importante, car, bien que le gouvernement rapporté par la convention ne se dirige pas vers une consolidation parfaite et entière, il s’en approche pourtant si près, qu’il doit, s’il est exécuté, y terminer certainement et infailliblement.

Ce gouvernement doit posséder un pouvoir absolu et incontrôlable, législatif, exécutif et judiciaire, en ce qui concerne tout objet auquel il s’étend, car par la dernière clause de la section 8e, article 1er, il est déclaré « que le Congrès aura le pouvoir de faire toutes les lois qui seront nécessaires et appropriées pour mettre en œuvre les pouvoirs qui précèdent, et tous les autres pouvoirs dévolus par la présente constitution, au gouvernement des États-Unis; ou à tout département ou bureau de celui-ci. »Et par le 6ème article, il est déclaré « que cette constitution, et les lois des États-Unis, qui seront faites en application de celle-ci, et les traités conclus, ou qui seront conclus, sous l’autorité des États-Unis, seront la loi suprême du pays; et les juges de chaque État seront liés par cela, nonobstant toute chose de la constitution ou de la loi de tout État. »Il ressort de ces articles qu’il n’est pas nécessaire d’intervention des gouvernements des États, entre le Congrès et le peuple, pour exécuter un pouvoir dévolu au gouvernement général, et que la constitution et les lois de chaque État sont annulées et déclarées nulles, dans la mesure où elles sont ou seront incompatibles avec la présente constitution, ou les lois adoptées en application de celle-ci, ou avec les traités conclus sous l’autorité des États-Unis. — Le gouvernement alors, dans la mesure où il s’étend, est un gouvernement complet, et non une confédération. C’est autant un gouvernement complet que celui de New-York ou du Massachusetts, qui a le pouvoir absolu et parfait d’élaborer et d’exécuter toutes les lois, de nommer des officiers, d’instituer des tribunaux, de déclarer des infractions et d’annexer des peines, à l’égard de tout objet auquel il s’étend, comme tout autre dans le monde. Aussi loin que ses pouvoirs atteignent, toutes les idées de confédération sont abandonnées et perdues. Il est vrai que ce gouvernement est limité à certains objets, ou pour parler plus correctement, un petit degré de pouvoir est encore laissé aux États, mais un peu d’attention aux pouvoirs dévolus au gouvernement général, convaincra tout homme candide, que s’il est capable d’être exécuté, tout ce qui est réservé aux États individuels doit très vite être anéanti, sauf dans la mesure où ils sont à peine nécessaires à l’organisation du gouvernement général. Les pouvoirs du législateur général s’étendent à tous les cas de moindre importance — il n’y a rien de précieux pour la nature humaine, rien de cher aux hommes libres, mais ce qui est en son pouvoir. Il a le pouvoir de faire des lois qui affecteront la vie, la liberté et la propriété de chaque homme aux États-Unis; la constitution ou les lois d’un État ne peuvent en aucune façon empêcher ou entraver l’exécution pleine et entière de chaque pouvoir donné. Le pouvoir législatif est compétent pour établir des impôts, des droits, des impostes et des accises; — il n’y a pas de limitation à ce pouvoir, à moins qu’il ne soit dit que la clause qui dirige l’usage auquel ces taxes et droits seront appliqués peut être considérée comme une limitation; mais ce n’est pas du tout une restriction du pouvoir, car par cette clause, ils doivent être appliqués pour payer les dettes et assurer la défense commune et le bien-être général des États-Unis; mais le législateur a le pouvoir de contracter des dettes à sa discrétion; ils sont les seuls juges de ce qui est nécessaire pour assurer la défense commune, et ils doivent seulement déterminer ce qui est pour le bien-être général: ce pouvoir n’est donc ni plus ni moins qu’un pouvoir de poser et de percevoir des impôts, des impositions et des accises, à leur guise; non seulement le pouvoir de poser des impôts illimités, quant au montant dont ils peuvent avoir besoin, mais il est parfait et absolu de les augmenter de n’importe quel mode qu’ils veulent. Aucune législature d’État, ni aucun pouvoir dans les gouvernements des États, n’a plus à faire pour mettre cela en vigueur que l’autorité d’un État a à voir avec celle d’un autre. En ce qui concerne donc l’imposition et la perception des impôts, l’idée de confédération est totalement perdue, et celle d’une république entière est adoptée. Il convient ici de remarquer que le pouvoir de déposer et de percevoir des impôts est le plus important de tout pouvoir qui puisse être accordé; il relie avec lui presque tous les autres pouvoirs, ou du moins attirera avec le temps tous les autres; c’est le grand moyen de protection, de sécurité et de défense, dans un bon gouvernement, et le grand moteur de l’oppression et de la tyrannie dans un mauvais gouvernement. Cela ne peut manquer d’être le cas, si l’on considère les limites contractées qui sont fixées par cette constitution, aux gouvernements tardifs, sur cet article de collecte de fonds. Aucun État ne peut émettre de papier-monnaie – imposer des droits ou des impositions sur les importations ou les exportations, mais avec le consentement du Congrès; et alors le produit net sera au profit des États-Unis. Le seul moyen qui reste donc à tout État pour soutenir son gouvernement et s’acquitter de ses dettes est l’imposition directe; et les États-Unis ont également le pouvoir de fixer et de percevoir des impôts, de la manière qu’ils veulent. Tous ceux qui ont réfléchi sur le sujet doivent être convaincus que, mais de petites sommes d’argent peuvent être perçues dans n’importe quel pays, par des impôts directs lorsque le gouvernement fédéral commencera à exercer le droit d’imposition dans toutes ses parties, les législatures des différents États se trouveront dans l’impossibilité de lever des fonds pour soutenir leurs gouvernements. Sans argent, ils ne peuvent être soutenus, et ils doivent diminuer, et, comme on l’a vu précédemment, leurs pouvoirs absorbés dans ceux du gouvernement général.

On pourrait montrer ici que le pouvoir, dans le législatif fédéral, de lever et de soutenir des armées à volonté, aussi bien en paix qu’en guerre, et leur contrôle sur la milice, tendent, non seulement à une consolidation du gouvernement, mais à la destruction de la liberté. — Je ne m’y attarderai cependant pas, car quelques observations sur le pouvoir judiciaire de ce gouvernement, en plus des précédentes, révéleront pleinement la véracité de la position.

Le pouvoir judiciaire des États-Unis doit être confié à une cour suprême et à des tribunaux inférieurs que le Congrès peut de temps à autre ordonner et établir. Les pouvoirs de ces tribunaux sont très étendus; leur compétence couvre toutes les causes civiles, sauf celles qui surviennent entre citoyens d’un même État; et elle s’étend à toutes les affaires de droit et d’équité découlant de la constitution. Je présume qu’une juridiction inférieure doit être établie, au moins dans chaque État, avec les officiers exécutifs nécessaires qui y sont rattachés. Il est facile de voir que, dans le cours commun des choses, ces tribunaux éclipseront la dignité et ôteront la respectabilité des tribunaux d’État. Ces tribunaux seront, en eux-mêmes, totalement indépendants des États, tirant leur autorité des États-Unis et recevant d’eux des salaires fixes; et au cours des événements humains, il est à prévoir qu’ils engloutiront tous les pouvoirs des tribunaux des États respectifs.

Jusqu’où la clause de la 8ème section du 1er article peut fonctionner pour faire disparaître toute idée d’États confédérés, et pour effectuer une consolidation complète de l’ensemble en un seul gouvernement général, il est impossible de dire. Les pouvoirs conférés par cet article sont très généraux et complets, et il peut recevoir une construction pour justifier l’adoption de presque n’importe quelle loi. Un pouvoir de faire toutes les lois, qui seront nécessaires et appropriées, pour mettre en œuvre tous les pouvoirs dévolus par la Constitution au gouvernement des États-Unis, ou à tout département ou officier de celui-ci, est un pouvoir très complet et précis, et peut, je le sais, être exercé de manière à abolir entièrement les législatures des États. Supposons que la législature d’un État adopte une loi pour collecter des fonds pour soutenir son gouvernement et payer la dette de l’État, le Congrès peut-il abroger cette loi, car elle peut empêcher la perception d’un impôt qu’ils peuvent penser approprié et nécessaire de fixer, pour assurer le bien-être général des États-Unis? Car toutes les lois adoptées, en application de la présente constitution, sont la loi suprême du pays, et les juges de chaque État y seront liés, nonobstant toute chose de la constitution ou des lois des différents États. – Par une telle loi, le gouvernement d’un État particulier pourrait être renversé d’un seul coup, et ainsi être privé de tous les moyens de son soutien.

Il ne s’agit pas, en énonçant ce cas, d’insinuer que la Constitution justifierait une loi de ce type; ou inutilement d’alarmer les craintes du peuple, en suggérant que le législateur fédéral serait plus susceptible de dépasser les limites qui lui sont assignées par la constitution, que celle d’un État individuel, plus loin qu’ils sont moins responsables envers le peuple. Mais ce que l’on entend par là, c’est que la législature des États-Unis est investie des pouvoirs importants et incontrôlables, de poser et de percevoir des impôts, des droits, des impostes et des accises; de réglementer le commerce, de lever et de soutenir des armées, d’organiser, d’armer et de discipliner la milice, d’instituer des tribunaux et d’autres pouvoirs généraux. Et sont par cette clause investis du pouvoir de faire toutes les lois, appropriées et nécessaires, pour les exécuter; et ils peuvent exercer ce pouvoir de manière à anéantir entièrement tous les gouvernements des États et à réduire ce pays à un seul gouvernement. Et s’ils peuvent le faire, il est à peu près certain qu’ils le feront; car on constatera que le pouvoir conservé par les États individuels, aussi petit soit-il, sera un obstacle sur les roues du gouvernement des États-Unis; ce dernier sera donc naturellement enclin à le retirer du chemin. En outre, c’est une vérité confirmée par l’expérience infaillible des âges, que chaque homme, et chaque corps d’hommes, investi du pouvoir, est toujours disposé à l’augmenter et à acquérir une supériorité sur toute chose qui se dresse sur leur chemin. Cette disposition, qui est implantée dans la nature humaine, opérera dans la législature fédérale pour amoindrir et finalement pour subvertir l’autorité de l’État, et ayant de tels avantages, réussira très certainement, si le gouvernement fédéral réussit du tout. Il doit donc être très évident que ce que cette constitution veut être une consolidation complète des différentes parties de l’union en un seul gouvernement complet, doté de pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs parfaits, à toutes fins utiles, il l’acquerra nécessairement dans son exercice et son fonctionnement.

Passons maintenant à la question de savoir, comme je l’ai d’abord proposé, s’il est préférable que les treize États-Unis soient réduits à une seule grande république, ou non ? Il est ici tenu pour acquis que tous s’accordent à dire que quel que soit le gouvernement que nous adoptons, il devrait être libre; qu’il devrait être encadré de manière à garantir la liberté des citoyens américains et à admettre une représentation complète, juste et égale du peuple. La question sera alors de savoir si un gouvernement ainsi constitué et fondé sur de tels principes est réalisable et peut être exercé sur l’ensemble des États-Unis, réduits en un seul État?

Si l’on doit respecter l’opinion des hommes les plus grands et les plus sages qui aient jamais pensé ou écrit sur la science du gouvernement, nous serons contraints de conclure qu’une république libre ne peut réussir sur un pays d’une si vaste étendue, contenant un si grand nombre d’habitants, et ceux-ci augmentant dans une progression aussi rapide que celle de l’ensemble des États-Unis. Parmi les nombreuses autorités illustres qui pourraient être produites jusqu’ici, je me contenterai d’en citer seulement deux.

Celui-ci est le Baron de Montesquieu, Esprit des Lois, chap. xvi. Vol. I. « Il est naturel pour une république de n’avoir qu’un petit territoire, sinon il ne peut pas subsister longtemps. Dans une grande république, il y a des hommes de grandes fortunes, et par conséquent de moins de modération; il y a des fiducies trop grandes pour être placées dans un seul sujet; il a son propre intérêt; il commence bientôt à penser qu’il peut être heureux, grand et glorieux, en opprimant ses concitoyens; et qu’il s’élève à la grandeur sur les ruines de son pays. Dans une grande république, le bien public est sacrifié à mille vues ; il est subordonné aux exceptions et dépend des accidents. Dans un petit pays, l’intérêt du public est plus facile à percevoir, mieux compris et plus à la portée de tous les citoyens; les abus sont moins importants et, bien sûr, moins protégés. »Du même avis est le marquis Beccarari.

L’histoire ne fournit aucun exemple de république libre, quelque chose comme l’étendue des États-Unis. Les républiques grecques étaient de faible étendue; il en était de même pour les Romains. Tous deux, il est vrai, au fil du temps, ont étendu leurs conquêtes sur de vastes territoires de pays; et la conséquence a été que leurs gouvernements ont été changés de ceux de gouvernements libres à ceux des plus tyranniques qui aient jamais existé dans le monde.

Non seulement l’opinion des plus grands hommes, et l’expérience de l’humanité, sont contre l’idée d’une république étendue, mais diverses raisons peuvent être tirées de la raison et de la nature des choses, contre elle. Dans chaque gouvernement, la volonté du souverain est la loi. Dans les gouvernements despotiques, l’autorité suprême étant logée dans un seul, sa volonté est loi et peut s’exprimer aussi facilement sur un vaste territoire que sur un petit territoire. Dans une démocratie pure, le peuple est le souverain, et sa volonté est déclarée par lui-même; pour cela, ils doivent tous se réunir pour délibérer et décider.

Ce type de gouvernement ne peut donc pas être exercé sur un pays d’une étendue considérable; il doit être limité à une seule ville, ou du moins limité à des limites telles que les gens puissent se réunir commodément, pouvoir débattre, comprendre le sujet qui leur est soumis et exprimer leur opinion à ce sujet.

Dans une république libre, bien que toutes les lois soient dérivées du consentement du peuple, pourtant le peuple ne déclare pas son consentement par lui-même en personne, mais par des représentants, choisis par eux, qui sont censés connaître l’esprit de leurs électeurs, et être possédé d’intégrité pour déclarer cet esprit.

Dans tout gouvernement libre, le peuple doit donner son assentiment aux lois par lesquelles il est gouverné. C’est le véritable critère entre un gouvernement libre et un gouvernement arbitraire. Les premiers sont gouvernés par la volonté de l’ensemble, exprimée de toutes les manières sur lesquelles ils peuvent s’entendre; les seconds par la volonté d’un, ou de quelques-uns. Si le peuple doit donner son assentiment aux lois, par des personnes choisies et désignées par lui, la manière du choix et le nombre choisis doivent être tels, de posséder, d’être disposés, et par conséquent qualifiés pour déclarer les sentiments du peuple; car s’ils ne connaissent pas, ou ne sont pas disposés à exprimer les sentiments du peuple, le peuple ne gouverne pas, mais la souveraineté est dans quelques-uns. Or, dans un grand pays étendu, il est impossible d’avoir une représentation, possédant les sentiments et l’intégrité, pour déclarer l’esprit du peuple, sans l’avoir si nombreuse et lourde, qu’elle soit soumise en grande partie aux inconvénients d’un gouvernement démocratique.

Le territoire des États-Unis est d’une vaste étendue; il contient maintenant près de trois millions d’âmes, et est capable d’en contenir beaucoup plus de dix fois ce nombre. Est-il possible pour un pays, si grand et si nombreux qu’ils le deviendront bientôt, d’élire une représentation qui exprimera leurs sentiments, sans qu’ils ne deviennent si nombreux qu’ils sont incapables de faire des affaires publiques? Ce n’est certainement pas le cas.

Dans une république, les mœurs, les sentiments et les intérêts du peuple devraient être similaires. Si ce n’est pas le cas, il y aura un conflit constant d’opinions; et les représentants d’une partie lutteront sans cesse contre ceux de l’autre. Cela retardera les opérations du gouvernement et empêchera les conclusions qui favoriseront le bien public. Si nous appliquons cette remarque à la condition des États-Unis, nous serons convaincus qu’elle interdit que nous soyons un seul gouvernement. Les États-Unis comprennent une variété de climats. Les productions des différentes parties de l’union sont très variées, et leurs intérêts, de conséquence, divers. Leurs manières et leurs habitudes diffèrent autant que leurs climats et leurs productions; et leurs sentiments ne coïncident en aucun cas. Les lois et coutumes des différents États sont, à bien des égards, très diverses, et en quelque sorte opposées; chacun serait en faveur de ses propres intérêts et coutumes, et, par conséquent, une législature, formée de représentants des parties respectives, serait non seulement trop nombreuse pour agir avec soin ou décision, mais serait composée de principes aussi hétérogènes et discordants, qui seraient constamment en conflit les uns avec les autres.

Les lois ne peuvent être exécutées dans une république, d’une ampleur égale à celle des États-Unis, avec promptitude.

Les magistrats de chaque gouvernement doivent être soutenus dans l’exécution des lois, soit par une force armée, entretenue aux frais de l’État à cette fin ; soit par les personnes qui se présentent pour aider le magistrat sur son ordre, en cas de résistance.

Dans les gouvernements despotiques, comme dans toutes les monarchies d’Europe, des armées permanentes sont tenues pour exécuter les ordres du prince ou du magistrat, et sont employées à cette fin lorsque l’occasion l’exige : Mais elles ont toujours prouvé la destruction de la liberté, et détestent l’esprit d’une république libre. En Angleterre, où ils dépendent du parlement pour leur soutien annuel, ils ont toujours été dénoncés comme oppressifs et inconstitutionnels, et sont rarement employés dans l’exécution des lois; jamais sauf dans des occasions extraordinaires, puis sous la direction d’un magistrat civil.

Une république libre ne gardera jamais une armée permanente pour exécuter ses lois. Elle doit dépendre du soutien de ses citoyens. Mais lorsqu’un gouvernement doit recevoir son soutien de l’aide des citoyens, il doit être construit de manière à avoir la confiance, le respect et l’affection du peuple. Les hommes qui, à l’appel du magistrat, se proposent d’exécuter les lois, sont influencés pour le faire soit par affection pour le gouvernement, soit par peur; lorsqu’une armée permanente est à portée de main pour punir les contrevenants, tout homme est actionné par ce dernier principe et, par conséquent, lorsque le magistrat appelle, obéira: mais, lorsque ce n’est pas le cas, le gouvernement doit reposer pour son soutien sur la confiance et le respect que le peuple a pour son gouvernement et ses lois. Le corps du peuple étant attaché, le gouvernement sera toujours suffisant pour soutenir et exécuter ses lois, et pour agir sur les craintes de toute faction qui pourrait s’y opposer, non seulement pour empêcher une opposition à l’exécution des lois elles-mêmes, mais aussi pour obliger la plupart d’entre elles à aider le magistrat; mais le peuple ne sera probablement pas capable d’avoir une telle confiance dans ses dirigeants, dans une république aussi étendue que les États-Unis, comme nécessaire à ces fins. La confiance que le peuple a dans ses dirigeants, dans une république libre, provient de leur connaissance, de leur responsabilité envers eux de leur conduite, et du pouvoir qu’ils ont de les déplacer lorsqu’ils se conduisent mal; mais dans une république de l’étendue de ce continent, le peuple en général connaîtrait très peu de ses dirigeants: le peuple en général connaîtrait peu de leurs actes, et il serait extrêmement difficile de les changer. Les habitants de Géorgie et du New-Hampshire ne se connaissaient pas l’un l’autre et ne pouvaient donc pas agir de concert pour leur permettre d’effectuer un changement général de représentants. Les différentes parties d’un pays si étendu ne pouvaient pas être informées de la conduite de leurs représentants, ni être informées des raisons sur lesquelles les mesures étaient fondées. La conséquence en sera qu’ils n’auront aucune confiance en leur législateur, les soupçonneront de vues ambitieuses, seront jaloux de chaque mesure qu’ils adopteront et ne soutiendront pas les lois qu’ils adopteront. Par conséquent, le gouvernement sera sans nerf et inefficace, et aucun moyen ne sera laissé pour le rendre autrement, mais en établissant une force armée pour exécuter les lois à la baïonnette — un gouvernement de tous les autres le plus redouté.

Dans une république aussi vaste que les États-Unis, le législateur ne peut pas s’occuper des diverses préoccupations et désirs de ses différentes parties. Il ne peut pas être suffisamment nombreux pour connaître la situation et les besoins locaux des différents districts, et s’il le pouvait, il est impossible qu’il ait suffisamment de temps pour s’occuper et subvenir à toute la variété des cas de cette nature, qui se présenteraient continuellement.

Dans une république si étendue, les grands officiers du gouvernement deviendraient bientôt au-dessus du contrôle du peuple et abuseraient de leur pouvoir dans le but de s’agrandir et de les opprimer. La confiance engagée envers les bureaux exécutifs, dans un pays de l’étendue des États-Unis, doit être diverse et d’ampleur. Le commandement de toutes les troupes et de la marine de la république, la nomination des officiers, le pouvoir de pardonner les infractions, la perception de tous les revenus publics et le pouvoir de les dépenser, avec un certain nombre d’autres pouvoirs, doivent être logés et exercés dans chaque État, entre les mains de quelques-uns. Lorsque ceux-ci seront fréquentés avec beaucoup d’honneur et d’émolument, comme ils le seront toujours dans les grands États, afin d’intéresser grandement les hommes à les poursuivre et d’être des objets appropriés pour des hommes ambitieux et dessinés, ces hommes seront toujours agités dans leur poursuite après eux. Ils utiliseront le pouvoir, lorsqu’ils l’auront acquis, aux fins de satisfaire leurs propres intérêts et ambitions, et il n’est guère possible, dans une très grande république, de les appeler à rendre des comptes pour leur faute, ou d’empêcher leur abus de pouvoir.

Ce sont quelques-unes des raisons pour lesquelles il apparaît qu’une république libre ne peut subsister longtemps sur un pays de la grande étendue de ces États. Si alors cette nouvelle constitution est conçue pour regrouper les treize États en un seul, comme c’est évidemment le cas, elle ne devrait pas être adoptée.

Bien que je sois d’avis que c’est une objection suffisante à ce gouvernement, que de le rejeter, qu’il crée toute l’union en un seul gouvernement, sous la forme d’une république, mais si cette objection était écartée, il y a des exceptions à celle-ci, qui sont si matérielles et fondamentales, qu’elles devraient déterminer que tout homme, ami de la liberté et du bonheur de l’humanité, ne doit pas l’adopter. Je demande l’attention franche et impartiale de mes compatriotes pendant que je dis ces objections – elles sont telles qu’elles se sont infiltrées dans mon esprit en portant une attention attentive à la question, et telles que je crois sincèrement fondées. Il y a beaucoup d’objections, de petits instants, dont je ne prendrai pas note — la perfection n’est pas à attendre dans tout ce qui est la production de l’homme — et si je ne croyais pas en ma conscience que ce schéma était défectueux dans les principes fondamentaux — dans le fondement sur lequel doit reposer un gouvernement libre et égal — je garderais ma paix.

Brutus.

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