Diagnostic et traitement des Lésions Vasculaires cutanées

Hémangiomes

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Épidémiologie des hémangiomes

L’hémangiome est le néoplasme bénin le plus fréquent de la petite enfance, survenant chez 1 à 3% des nouveau-nés. Deux types sont reconnus: le type superficiel de fraise ou capillaire, qui comprend environ 65% de tous les hémangiomes, et le type caverneux plus profond, qui représente environ 15% des hémangiomes. Les hémangiomes restants sont mélangés, avec des composants superficiels et profonds. L’incidence des hémangiomes est élevée chez les nourrissons de sexe féminin (deux à cinq fois plus élevée que chez les nourrissons de sexe masculin) et les prématurés (en particulier ceux pesant moins de 1 500 g).7

Les hémangiomes peuvent apparaître sous forme de macules télangiectatiques ou de taches blanchies qui peuvent ne pas être reconnues à la naissance. L’ulcération cutanée peut, rarement, être le signe présent d’un hémangiome pendant la période néonatale.8 Quatre-vingt-dix pour cent des hémangiomes sont détectés au cours du premier mois de vie et peuvent survenir sur la tête et le cou (60%), le tronc (25%) et les extrémités (15%). Les lésions qui pénètrent dans le derme superficiel apparaissent sous la forme de nodules rouge vif et bien définis et sont appelées hémangiomes superficiels (figures 6 et 7). Les hémangiomes profonds du derme ou des tissus sous-cutanés ont des bordures moins distinctes et se présentent sous la forme de nodules bleutés légèrement surélevés (figures 8 et 9).

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FIGURE 6.

Hémangiome superficiel chez un nourrisson, de couleur rouge fraise habituelle.

FIGURE 6.

Hémangiome superficiel chez un nourrisson, de couleur rouge fraise habituelle.

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FIGURE 7.

Tumeur lobulée bien définie chez un nourrisson, avec des capillaires superficiels minuscules caractéristiques de l’hémangiome superficiel.

FIGURE 7.

Tumeur lobulée bien définie chez un nourrisson, avec des capillaires superficiels minuscules caractéristiques de l’hémangiome superficiel.

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FIGURE 8.

Nodule rouge bleuâtre typique d’un hémangiome mixte.

FIGURE 8.

Nodule rouge bleuâtre typique d’un hémangiome mixte.

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FIGURE 9.

hémangiome profond, vu comme un nodule sous-cutané bleu légèrement surélevé et mal défini avec une peau sus-jacente normale.

FIGURE 9.

hémangiome profond, vu comme un nodule sous-cutané bleu légèrement surélevé et mal défini avec une peau sus-jacente normale.

Histoire naturelle des hémangiomes

Les nodules se développent à l’âge de deux à quatre semaines, marquant la phase proliférative de six à 12 mois caractéristique des hémangiomes. À l’âge d’un an, la plupart des hémangiomes ont atteint leur taille maximale, allant de 2 à 20 cm (moyenne: 2 à 5 cm). Une phase stationnaire prédomine jusqu’à l’âge de 15 mois. La phase involutive commence alors, avec le développement de régions gris pâle au sein des nodules et une fermeté diminuée (Figures 10 et 11). Une régression complète survient chez 50% des patients à l’âge de cinq ans, chez 70% à l’âge de sept ans et chez 90% à l’âge de neuf ans. Bien que les hémangiomes superficiels se résolvent généralement avec une atrophie minimale, les hémangiomes profonds ou mixtes présentent souvent une involution incomplète, avec une peau résiduelle atrophique, ridée, télangiectatique et redondante (Figure 12). La peau normale est restaurée dans seulement 50% de tous les hémangiomes.9

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FIGURE 10.

hémangiome involutif, caractérisé par le développement de régions gris pâle, d’ulcérations et de saignements.

FIGURE 10.

hémangiome involutif, caractérisé par le développement de régions gris pâle, d’ulcérations et de saignements.

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FIGURE 11.

Hémangiome involutif, avec des régions gris pâle, une fermeté diminuée et une cicatrisation résiduelle minimale.

FIGURE 11.

Hémangiome involutif, avec des régions gris pâle, une fermeté diminuée et une cicatrisation résiduelle minimale.

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FIGURE 12.

Involution spontanée d’un hémangiome, avec des cicatrices résiduelles proéminentes.

FIGURE 12.

Involution spontanée d’un hémangiome, avec des cicatrices résiduelles proéminentes.

Syndromes spéciaux

Les hémangiomes peuvent exister dans le cadre de syndromes spéciaux, et le clinicien avisé peut diagnostiquer ces variantes tôt dans leur présentation.

Syndrome de Kasabach-Merritt

Un patient développant une hypertrophie et une fermeté soudaines dans un grand hémangiome préexistant, avec des ecchymoses et des pétéchies faciles, doit être suspecté de souffrir du syndrome de Kasabach-Merritt, une coagulopathie caractérisée par une thrombocytopénie survenant chez des patients présentant de gros hémangiomes. Le piégeage des plaquettes dans l’hémangiome agrandissant peut entraîner une coagulation intravasculaire disséminée secondaire. Ces patients nécessitent une hospitalisation et un traitement à la prednisone (2 à 4 mg par kg par jour) ou à l’interféron alfa-2a (Roferon-A) chez les patients résistants aux stéroïdes. Les bandages de compression externes et la transfusion de produits sanguins de soutien facilitent la récupération. Si l’hémorragie est évitée, la récupération est généralement complète.3

Les hémangiomes néonataux diffus

Les hémangiomes papuleux de 2 à 15 mm, rouge à bleu-noir, largement disséminés à la naissance doivent alerter le clinicien de la possibilité d’hémangiomes viscéraux associés dans le syndrome d’hémangiomatose néonatale diffuse. Des hémangiomes gastro-intestinaux, hépatiques, du système nerveux central et viscéraux pulmonaires peuvent être présents, et une insuffisance cardiaque à haut débit peut survenir à l’âge de deux à neuf semaines. L’évaluation de ces patients comprend une numération globulaire complète, une auscultation pour les bruits, une palpation du bord du foie, une échographie ou un scanner des zones suspectes et une évaluation de l’urine et des selles pour le sang occulte. Le traitement comprend une lobectomie hépatique (si le foie est impliqué), une ligature ou une embolisation des vaisseaux, des corticostéroïdes à forte dose (2 à 4 mg par kg par jour), de l’interféron alfa-2a et un traitement de l’insuffisance cardiaque à haut débit. Les lésions se développent spontanément chez certains patients.

Hémangiomatose néonatale bénigne

Les cas d’hémangiomes cutanés généralisés sans atteinte viscérale sont classés comme hémangiomatose néonatale bénigne. Des hémangiomes faciaux étendus peuvent être associés à une atteinte intracrânienne, et une évaluation par tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique est obligatoire pour déterminer la présence d’anomalies structurelles du cerveau.

Syndrome du Naevus bleu de Bleb en caoutchouc

Les nourrissons atteints d’hémangiomes caverneux cutanés multiples peuvent présenter des hémangiomes du tractus gastro-intestinal concomitants dans le syndrome du naevus bleu de bleb en caoutchouc. Des nodules caoutchouteux bleus douloureux, mous, compressibles, de 1,0 à 50 mm à surface ridée sont présents à la naissance et augmentent en taille et en nombre avec l’âge.10 La compression manuelle de ces lésions exprime le sang, laissant derrière elle un sac ridé vide qui se remplit rapidement. Des hémangiomes de l’intestin grêle ou du côlon peuvent être suspectés chez les patients présentant une anémie ou des échantillons de gaïac fécal positifs. L’excision chirurgicale des lésions cutanées ou gastro-intestinales symptomatiques reste le traitement de choix. Les techniques sclérosantes et l’irradiation au laser peuvent également être utiles, mais les corticostéroïdes sont inefficaces.

Syndrome de Cobb (Angiomatose cutanéoméningospinale)

Des hémangiomes lombo-sacrés ou des taches de vin de porto peuvent être associés à des angiomes spinaux sous-jacents dans le syndrome de Cobb (angiomatose cutanéoméningospinale). Les symptômes neurologiques se développent généralement plus tard dans l’enfance ou l’adolescence, mais une angiographie spinale précoce peut détecter les angiomes spinaux, qui peuvent être excisés chirurgicalement plus facilement avant qu’ils ne se soient élargis.

Syndrome de Maffucci (Hémangiomatose Ostéolytique)

Le syndrome de Maffucci (hémangiomatose ostéolytique) est un syndrome congénital caractérisé par des hémangiomes à la naissance, des déformations squelettiques et des enchondromes (excroissances cartilagineuses bénignes). La dégénérescence maligne se produit à la fois dans les enchondromes et les hémangiomes, et les lésions suspectes doivent être biopsiées. Le diagnostic de ce syndrome est confirmé par des preuves cliniques, radiographiques et pathologiques d’hémangiomes et d’enchondromes.11 Le traitement est symptomatique et les lésions vasculaires répondent à la chirurgie, à l’irradiation et à la sclérothérapie. L’évaluation orthopédique des anomalies osseuses est particulièrement importante à l’adolescence.

Traitement

En général, les objectifs du traitement de l’hémangiome sont de prévenir la perte de vie ou de fonction et de prévenir les cicatrices, avant ou à la suite du traitement. Le médecin doit également tenir compte des problèmes psychosociaux lorsqu’il décide du meilleur traitement. La plupart des hémangiomes ne nécessitent aucun traitement spécifique autre que l’éducation et le réconfort du patient. Un suivi fréquent d’un nourrisson atteint d’un hémangiome en croissance assurera un traitement adéquat des séquelles potentielles. L’involution spontanée entraîne souvent une ulcération; cependant, des cicatrices permanentes surviennent chez moins de 5% des enfants atteints d’ulcération.

Les saignements et les infections compliquent également l’involution et doivent être traités par pression directe, compresses humides et savon antibactérien, et antibiotiques oraux en cas de cellulite.12 Le traitement par FPDL et des antibiotiques topiques peut accélérer la récupération. Moins de 10% des hémangiomes nécessitent un traitement pour des indications spécifiques2,3, 12 (tableau 2). Bien que la prise en charge thérapeutique des hémangiomes ait inclus la cryothérapie et la radiothérapie, ces méthodes ont été supplantées par les stéroïdes, l’interféron alfa-2a, le laser, la chirurgie, l’embolisation, les agents sclérosants et les antifibrinolytiques.

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TABLEAU 2

Indications de traitement des hémangiomes

Menace pour la vie ou la fonction

Syndrome de Kasabach-Merritt (coagulopathie)

Site anatomique

Déficience visuelle

Insuffisance respiratoire

Insuffisance cardiaque à haut débit (mortalité jusqu’à 50%)11

Lésions hépatiques

Autres internes lésions

Emplacement dans la région de scarprone

Nez

Lip

Oreille

Zone glabellaire

Tout grand hémangiome facial

Lésions pédonculées

Tendance à saigner ou à être infecté

Taux de croissance rapide (triplement de la taille en quelques semaines)

TABLEAU 2

Indications de traitement pour les hémangiomes

Menace pour la vie ou fonction

Syndrome de Kasabach-Merritt (coagulopathie)

Site anatomique

Déficience visuelle

Insuffisance respiratoire

Insuffisance cardiaque à haut débit (mortalité jusqu’à 50%)11

Lésions hépatiques

Autres lésions internes

Emplacement dans la région de scarprone

Nez

Lèvre

Oreille

Zone glabellaire

Tout grand hémangiome facial

Lésions pédonculées

Tendance à saigner ou à être infecté

Taux de croissance rapide (triplement de la taille en quelques semaines)

Corticostéroïdes. L’avantage thérapeutique des corticostéroïdes systémiques dans la gestion des hémangiomes à croissance rapide, potentiellement mortels ou fonctionnellement invalidants est bien reconnu. La prednisone ou la prednisolone est administrée en une seule dose orale matinale de 2 à 4 mg par kg par jour pendant deux à trois semaines, avec un taux de réponse de 30 à 90%. Une réponse positive, caractérisée par un ramollissement tactile, une coloration éclaircissante ou une croissance ralentie, devrait survenir dans les sept à 10 jours suivant le début du traitement, puis la dose complète est poursuivie pendant quatre à six semaines et s’effile lentement à mesure que la lésion cesse de croître.12 Si une croissance de rebond se produit, une dose accrue de corticostéroïdes pendant deux semaines est appropriée. Si aucune réponse n’est observée au cours de la première semaine de traitement, les corticostéroïdes doivent être arrêtés. Les effets secondaires systémiques de la corticothérapie comprennent des symptômes cushingoïdes, un retard de croissance et une infection.

La corticothérapie intralésionnelle peut être utile dans la prise en charge des hémangiomes périorbitaux. Une combinaison d’acétate de bétaméthasone, à une dose de 6 à 12 mg, et d’acétonide de triamcinolone, à une dose de 40 à 60 mg, administrée avec une aiguille de calibre 30, entraîne une bonne réponse chez 45% des patients.13 Une réponse survient dans la semaine; des injections supplémentaires sont nécessaires dans quatre à huit semaines. L’injection directe chez un nourrisson nécessite une sédation. Les complications de l’injection locale comprennent la nécrose des paupières, les dépôts de plaque de cholestin, l’atrophie des tissus gras ou mous et l’occlusion de l’artère rétinienne centrale.14

Le mécanisme exact d’action des corticostéroïdes dans l’involution de l’hémangiome est inconnu. Les corticostéroïdes inhibent les activateurs de la fibrinolyse dans les parois des vaisseaux, diminuent les activateurs du plasminogène et augmentent la sensibilité des sphincters précapillaires aux amines vasoactives. En association avec l’héparine dérivée des mastocytes, les stéroïdes inhibent l’angiogenèse et induisent une régression capillaire.15

Interféron Alfa-2a. L’interféron alfa-2a est le traitement préféré des hémangiomes menaçant le pronostic vital ou la vue qui ne répondent pas aux corticostéroïdes. Les interférons inhibent l’angiogenèse et stimulent la formation de prostacycline des cellules endothéliales, ce qui empêche le piégeage des plaquettes.16

Dans une étude récente, 17 18 des 20 nourrissons dont les lésions étaient résistantes au traitement par stéroïdes ont répondu à l’interféron alfa-2a, avec un taux de régression de 50% après une moyenne de sept mois de traitement. En raison de son temps de réponse lent, l’interféron alfa-2a n’est pas efficace dans la prise en charge des hémangiomes obstructifs aigus, mais il a été décrit comme un traitement efficace du syndrome de Kasabach-merritt18 et de l’hémangiomatose néonatale diffuse. L’interféron alfa-2a est administré en injections sous-cutanées quotidiennes de 1 à 3 millions d’unités par mètre carré de surface corporelle. Les effets secondaires aigus, réversibles, comprennent la fièvre, les frissons, les arthralgies et la vasculopathie rétinienne. Une fatigue, une leucopénie, une anémie, une thrombocytopénie, des nausées, des vomissements, des taux élevés de transaminases hépatiques et une neurotoxicité peuvent survenir lors d’une utilisation chronique.

Thérapie au laser. Plusieurs types de lasers sont utilisés dans le traitement des hémangiomes. Le FPDL pénètre à une profondeur de 1,8 mm et présente un faible risque de cicatrisation. C’est le traitement de choix pour les hémangiomes superficiels de la fraise et les malformations vasculaires, y compris les taches de vin de porto et les taches de saumon, avec un taux de réponse de 94% pour les taches de vin de porto et les taches de saumon, et de 60% pour les hémangiomes superficiels.6,19 Ce laser traite également efficacement les télangiectasies résiduelles restantes après régression spontanée des hémangiomes. Étant donné que la progression des parties les plus profondes d’un hémangiome superficiel ne peut pas être empêchée de manière fiable par un traitement par FPDL, le laser neodynium: YAG (Nd: YAG), avec une profondeur de coagulation de 5 à 6 mm, est recommandé dans le traitement des hémangiomes mixtes ou profonds à croissance rapide.19 Bien que 75% des patients traités par la Nd:Le laser YAG présente une régression spectaculaire des hémangiomes profonds ou mixtes, la formation de cicatrices avec ce laser est plus fréquente qu’avec le FPDL car ce laser pénètre plus profondément dans la peau. En raison du risque d’élargissement rapide de certains hémangiomes, un traitement précoce est recommandé chez les patients présentant des lésions compromettantes sur le plan fonctionnel ou cosmétique.

Le laser au dioxyde de carbone est efficace dans le traitement des hémangiomes sous-glottiques ne répondant pas aux corticostéroïdes et peut prévenir la nécessité d’une trachéotomie chez les patients présentant une obstruction des voies respiratoires. En raison du risque accru de cicatrices avec les lasers au dioxyde de carbone et à l’argon, ces lasers ne sont pas recommandés dans le traitement initial des hémangiomes cutanés. L’application d’un mélange eutectique de crème anesthésique locale (EMLA) est efficace pour réduire la douleur associée au traitement par FPDL; cependant, les lasers Nd: YAG, au dioxyde de carbone et à l’argon nécessitent une anesthésie locale ou générale.5

Chirurgie. L’excision chirurgicale est parfois préconisée comme traitement primaire des hémangiomes. L’excision chirurgicale est clairement indiquée dans la prise en charge des lésions viscérales ou oculaires ne répondant pas aux corticostéroïdes, et dans la révision cosmétique de la peau redondante restante après involution spontanée d’hémangiomes plus profonds.12,20 L’embolisation est un traitement primaire pour les lésions inopérables, et elle peut être utilisée en préopératoire pour minimiser la perte de sang peropératoire. Les effets secondaires potentiels comprennent un accident vasculaire cérébral dû au reflux de particules dans l’artère carotide interne.

Antifibrinolytiques. L’acide aminocaproïque (Amicar) et l’acide tranexamique (Cyclokapron) sont des agents antifibrinolytiques à rôle limité dans le traitement du syndrome de Kasabach-Merritt qui ne répond pas aux cortico-stéroïdes à forte dose ou au traitement par interféron alfa-2a.5 Ces agents inhibent l’activateur du plasminogène et la plasmine. Les effets secondaires comprennent des nausées, des vomissements, de la diarrhée et, dans le cas de l’acide aminocaproïque, de rares cas d’insuffisance rénale et de myopathie.

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