Hara-Kiri (1962)

J’ai vu Harakiri (Seppuku) dans un nouveau tirage 35 mm au Forum du Film de New York. C’est une utilisation brillante d’un genre d’époque étroite pour accuser de manière explosive la politique et la culture. Les écrivains Shinobu Hashimoto et Yasuhiko Takiguchi ont sûrement dû être aussi inspirés par « Le Comte de Monte-Cristo », les westerns d’Ambrose Bierce et Howard Hawks que par la littérature et les films de samouraïs.
Le film commence de manière trompeuse comme une histoire dans une histoire, fournissant apparemment un exemple traditionnel de défense de l’honneur des samouraïs, comme dans l’histoire conventionnelle et souvent racontée des « 47 Ronin. » Le contexte se situe à une époque où le gouvernement central, le shogunat, supplante les clans locaux et met au chômage arbitrairement des milliers de personnes, notamment leurs samouraïs, les forçant au mieux à passer à la mode mercenaire de ronin et à mendier de la nourriture au pire. Mais les parallèles avec le 20ème siècle sont explicités à plusieurs reprises car le samouraï qui vient chercher de l’aide dans ce clan vient d’Hiroshima.
Très progressivement, nous obtenons un aperçu plus approfondi du conte dans un conte, à mesure que nous voyons plus de flashbacks dans les flashbacks sur ce que chaque personnage a fait avant ces confrontations et nous avons des impressions mal à l’aise que la morale de l’histoire n’est peut-être pas ce qu’elle apparaît au début et les enjeux deviennent de plus en plus élevés avec une tension presque insupportable.
C’est presque à mi-chemin du film que nous voyons une femme et que nous voyons soudain un modèle alternatif de masculinité, où la priorité est donnée à la famille, au soutien, à l’éducation et à la productivité créative. Par rapport aux relations d’ouverture machistes, mettant l’accent sur la loyauté militariste formelle envers une hiérarchie, un mari et un père aimant est pratiquement un métrosexuel. Voir le même samouraï fidèle faire des sons de goo à son petit-bébé met en relief les scènes ritualisées antérieures, en particulier l’image récurrente de l’armure du clan qui semble de moins en moins imposante et qui est finalement détruite comme un symbole vide.
La tension psychologique dans les confrontations du dernier tiers du film est plus atroce que la violence réelle. Même lorsque nous pensions déjà connaître le résultat des flashbacks, les couches de perception des relations et des personnalités sont effleurées à chaque coup d’épée pour révéler les profondeurs de l’horrible hypocrisie de la structure politique et sociale. Et ce ne sont là que les résonances culturelles écrasantes qu’un Américain du 21e siècle peut glaner. Comme « Downfall (Der Untergang) », il révèle la mentalité inhumaine qui a conduit à la Seconde Guerre mondiale.
Le motif répétitif de longues promenades puis de confrontations dans des couloirs vides souligne le dédale bureaucratique étouffant qui emprisonne les personnages. Les motifs de vengeance sont accentués par une cinématographie étonnamment belle qui rappelle l’art traditionnel japonais, y compris des gouttes de sang comme des premiers flocons de neige puis une cascade.
L’effet global de ce chef-d’œuvre est émotionnellement épuisant.

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