Religion : Le Culte de l’Être Suprême

La Fête de l’Être Suprême (8 juin 1794)

A cinq heures exactement du matin, un rappel général sera sonné à Paris.

Cet appel invitera chaque citoyen, homme comme femme, à parer immédiatement ses maisons des couleurs chères de la liberté, soit en remettant en place ses drapeaux, soit en embellissant ses maisons de guirlandes de fleurs et de verdure.

Ils se rendront ensuite dans les zones de montage de leurs sections respectives pour attendre le signal de départ.

Aucun homme ne doit être armé, à l’exception des garçons âgés de quatorze à dix-huit ans, qui doivent être armés de sabres et de fusils ou de piques.

Dans chaque section, ces garçons formeront un bataillon carré marchant douze à travers, au milieu duquel seront placés les bannières et les drapeaux de la force armée de chaque section, portés par ceux qui leur sont habituellement confiés.

Chaque citoyen masculin et chaque jeune garçon doit tenir une branche de chêne dans sa main.

Toutes les citoyennes, mères et filles, doivent être vêtues aux couleurs de la liberté. Les mères tiendront des bouquets de roses dans leurs mains, et les jeunes filles porteront des paniers remplis de fleurs.

Chaque section choisira dix hommes plus âgés, dix mères, dix filles de quinze à vingt ans, dix adolescents de quinze à dix-huit ans et dix enfants de moins de huit ans pour se tenir debout sur la montagne surélevée du Champ de la Réunion.

Les dix mères choisies par chaque section seront en blanc et porteront une ceinture tricolore de droite à gauche.

Les dix filles seront également en blanc et porteront la ceinture comme les mères. Les filles auront des fleurs tressées dans leurs cheveux.

Les dix adolescents doivent être armés d’épées. . . .

Chaque citoyen doit s’assurer d’avoir ses branches de chêne, ses bouquets, ses guirlandes et ses paniers de fleurs, et de se parer des couleurs de la liberté.

À huit heures exactement du matin, une salve d’artillerie, tirée depuis le Pont Neuf, signalera l’heure de se rendre au Jardin national.

Les citoyens hommes et femmes doivent partir de leurs sections respectives en deux colonnes, chacune six en amont. Les hommes et les garçons seront à droite, tandis que les femmes, les filles et les enfants de moins de huit ans seront à gauche.

Le bataillon carré de jeunes garçons sera placé au centre entre les deux colonnes.

Les sections sont appelées à se disposer de manière à ce que la colonne des femmes ne soit pas plus longue que la colonne des hommes, afin d’éviter de perturber l’ordre nécessaire à une fête nationale. . . .

À l’arrivée au Jardin National, les colonnes d’hommes s’aligneront dans la partie du jardin du côté de la terrasse appelée « les Feuillants », tandis que les colonnes de femmes et d’enfants s’aligneront du côté de la terrasse de la rivière, et les bataillons carrés de garçons dans le large chemin au centre. . . .

Lorsque toutes les sections seront arrivées au Jardin National, une délégation se rendra à la Convention pour annoncer que tout est prêt pour célébrer la Fête de l’Être Suprême.

La Convention nationale arrive par le balcon du Pavillon de l’Unité à l’amphithéâtre attenant.

Ils seront précédés d’un grand groupe de musiciens, qui seront situés de chaque côté des marches menant à l’entrée.

Le président, prenant la parole depuis la tribune, expliquera aux gens les raisons de cette fête solennelle et les invitera à honorer le Créateur de la Nature. . . .

Robespierre parlait ainsi :

Le jour éternellement heureux que le peuple français consacre à l’Être Suprême est enfin arrivé. Jamais le monde qu’il a créé ne lui a offert un spectacle aussi digne de ses yeux. Il a vu régner la tyrannie, le crime et la tromperie sur terre. En ce moment, il voit une nation entière, en guerre contre tous les oppresseurs de la race humaine, suspendre ses efforts héroïques pour élever ses pensées et ses vœux au Grand Être qui lui a donné la mission d’entreprendre ces efforts et la force de les exécuter.

Sa main immortelle, en gravant dans le cœur des hommes le code de justice et d’égalité, n’y a-t-elle pas écrit la condamnation à mort des tyrans ? Sa voix, au tout début des temps, n’a-t-elle pas décrété la république, faisant de la liberté, de la bonne foi et de la justice l’ordre du jour pour tous les siècles et pour tous les peuples?

Il n’a pas créé de rois pour dévorer l’espèce humaine. Il n’a pas non plus créé de prêtres pour nous harnacher comme des bêtes brutes aux chariots des rois, et pour donner au monde l’exemple de la bassesse, de l’orgueil, de la perfidie, de l’avarice, de la débauche et du mensonge au monde. Mais il a créé l’univers pour célébrer sa puissance ; il a créé les hommes pour s’aider et s’aimer les uns les autres, et pour atteindre le bonheur par le chemin de la vertu.

L’Auteur de la Nature a lié tous les mortels dans une immense chaîne d’amour et de bonheur. Périssez les tyrans qui ont osé le briser!

Français, Républicains, c’est à vous de nettoyer la terre qu’ils ont souillée et de rétablir la justice qu’ils en ont bannie. Liberté et vertu issues ensemble du sein de l’Être Suprême. L’un ne peut pas résider parmi les hommes sans l’autre.

Personnes généreuses, voulez-vous triompher de tous vos ennemis? Pratiquez la justice et rendez à l’Être Suprême la seule forme d’adoration digne de lui. Les gens, abandonnons-nous aujourd’hui, sous ses auspices, à la juste extase de la joie pure. Demain, nous combattrons à nouveau les vices et les tyrans; nous donnerons au monde un exemple de vertus républicaines : et cela honorera davantage l’Être Suprême.

Après ce discours, une symphonie sera jouée. En même temps, le président, armé de la Flamme de la Vérité, descendra de l’amphithéâtre et s’approchera d’un monument élevé sur un bassin circulaire, représentant le monstre, l’athéisme.

Du milieu de ce monument, que le président mettra le feu, la figure de la Sagesse apparaîtra.

Après cette cérémonie, le président retournera à la tribune et parlera à nouveau au peuple, qui lui répondra par des chants et des cris de joie.

Robespierre reprend la parole :

Il est revenu au néant, ce monstre que l’esprit des rois a craché sur la France. Que tous les crimes et les maux du monde disparaissent avec lui. Armés tour à tour des poignards du fanatisme et des poisons de l’athéisme, les rois conspirent toujours pour assassiner l’humanité. S’ils ne peuvent plus défigurer la Divinité par la superstition afin de l’impliquer dans leurs transgressions, ils s’efforcent de le bannir de la terre pour régner seul avec le crime. Les gens, ne craignez plus leurs conspirations sacrilèges. Ils ne peuvent plus arracher le monde du sein de son auteur que le remords de leur propre cœur. Vous qui êtes misérables, tenez vos têtes lamentables: vous pouvez à nouveau lever les yeux vers le ciel en toute impunité. Héros du pays, votre dévotion généreuse n’est pas une folie brillante; les serviteurs de la tyrannie peuvent peut-être vous assassiner, mais il n’est pas en leur pouvoir de vous anéantir complètement. Mec, qui que tu sois, tu peux à nouveau bien penser à toi. Vous pouvez attacher votre vie transitoire à Dieu lui-même et à l’immortalité. Que la nature retrouve ainsi toute sa magnificence, et la sagesse tout son empire. L’Être Suprême n’est pas détruit.

C’est avant tout la sagesse que nos ennemis coupables veulent chasser de la République. À la seule sagesse appartient de consolider la prospérité des empires ; c’est à elle de garantir les fruits de notre courage. Associons-la donc à toutes nos entreprises. Soyons sérieux et discrets dans toutes nos délibérations, en tant qu’hommes qui déterminent les intérêts du monde entier. Soyons ardents et obstinés dans notre colère contre les tyrans assermentés, imperturbables dans la chaleur du danger, patients dans notre travail, terribles lors des revers, modestes et vigilants dans la réussite. Soyons généreux envers ceux qui sont bons, compatissants envers les malheureux, inexorables envers les méchants, juste envers tous. Ne comptons pas sur une prospérité non alliée, sur un triomphe sans obstacles, ou sur tout ce qui dépend de la fortune ou de la perversité d’autrui. Ne dépendons que de notre constance et de notre vertu. Seuls, mais garants infaillibles de notre indépendance, écrasons l’union impie des rois encore plus par notre force de caractère que par la force de nos bras.

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